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Maxime Peyronny
L'énergie éolienne au coeur des relations Allemagne - Canada

Maxime Peyronny est étudiant en Master Management et commerce international à l'AEI-UPEC. Il a fait un double diplôme en M1 à l'Université de Laval au Canada.
Le Canada et l’Allemagne entretiennent depuis longtemps des relations étroites, fondées sur des valeurs communes et une coopération multiforme. Récemment, la transition énergétique et la lutte contre les changements climatiques ont placé l’énergie éolienne et ses dérivés (tel que l’hydrogène vert) au cœur de ce partenariat bilatéral. La guerre en Ukraine et la crise énergétique qu’elle a provoquée en Europe ont souligné l’urgence de diversifier les approvisionnements énergétiques tout en accélérant la décarbonation. C’est dans ce contexte que le Canada et l’Allemagne qui est leader mondial dans l’éolien et en quête de nouvelles sources d’énergie propre, ont intensifié leur collaboration. En août 2022, les deux pays ont lancé l’Alliance Canada–Allemagne pour l’hydrogène, avec pour objectif d’exporter de l’hydrogène vert canadien vers l’Allemagne dès 2025 (Ressources naturelles Canada, 2022). Dans le cadre de ce devoir, nous étudierons dans un premier temps le contexte historique de la coopération énergétique pour ensuite s’intéresser aux données économiques détaillées (emplois, investissements, volumes d’hydrogène vert) et enfin nous présenterons les défis et limites de cette coopération. L’objectif est d’offrir une synthèse rigoureuse, appuyée sur des sources canadiennes et allemandes de référence, pour éclairer ce partenariat énergétique émergent entre Ottawa et Berlin.
L’éolien comme axe stratégique du partenariat
L’énergie éolienne s’est imposée comme un pilier stratégique de la coopération entre le Canada et l’Allemagne, en grande partie parce qu’elle constitue le pilier de la production d’hydrogène vert, source énergétique clé pour les deux pays. L’Alliance Canada–Allemagne pour l’hydrogène, signée en août 2022 par le chancelier Olaf Scholz et le premier ministre Justin Trudeau, illustre cette convergence stratégique (Ressources naturelles Canada, 2022). Cet accord historique engage les deux pays à harmoniser leurs politiques pour favoriser les investissements dans l’hydrogène, à développer des chaînes d’approvisionnement sécurisées et à établir un « corridor d’approvisionnement » transatlantique, avec une première exportation d’hydrogène canadien vers l’Allemagne prévue dès 2025 (Ressources naturelles Canada, 2022).
Le choix de l’hydrogène vert (produit à partir d’électricité éolienne et renouvelable) traduit la volonté commune de participation au développement durable. Comme l’a souligné le ministre canadien Jonathan Wilkinson, « des pays comme l’Allemagne se tournent vers le Canada comme fournisseur fiable de l’hydrogène dont ils ont besoin pour faire tourner leur économie » (Wilkinson, 2025).
Du côté allemand, l’éolien est crucial pour atteindre les objectifs climatiques et réduire la dépendance aux énergies fossiles. L’Allemagne prévoit d’importer entre 50 et 70 % de ses besoins en hydrogène d’ici 2030, sa consommation passant de 55 à 95–130 TWh (Ressources naturelles Canada, 2024). Même avec 10 GW d’électrolyseurs installés sur son territoire, elle devra compléter sa production par des importations. Le Canada, avec son vaste potentiel éolien et sa stabilité politique, apparaît comme un partenaire stratégique. Une étude canado-allemande met en lumière leurs intérêts complémentaires : l’Allemagne a besoin d’hydrogène vert, le Canada peut en devenir un fournisseur majeur (Exner-Pirot et al., 2022). L’éolien devient ainsi un véritable lien énergétique et géopolitique entre les deux pays.


Le leadership de l’Allemagne dans l’éolien et le commerce
Depuis vingt ans, l’Allemagne s’est imposée comme un leader mondial de l’éolien, avec près de 69,5 GW installés fin 2023, dont 8,5 GW offshore (allemagne-energies.com, 2024). Ce succès repose sur un écosystème industriel solide et une forte capacité à exporter. Des entreprises comme Enercon, Siemens Gamesa ou Nordex sont présentes au Canada depuis les années 2000, où elles ont équipé de nombreux parcs éoliens. En 2023, Nordex a reçu des commandes totalisant 500 MW de turbines pour des projets canadiens (ZVEI, 2025).
L’Allemagne renforce aussi sa présence à travers des investissements stratégiques. Le développeur ABO Wind construit à Terre-Neuve un parc de 5 GW couplé à la production d’hydrogène vert, destiné à l’exportation vers l’Allemagne (ABO Wind, 2023). Ce projet, aussi grand que toutes les nouvelles installations terrestres allemandes en trois ans, montre l’ambition des deux pays. Le commerce s’élargit à d’autres secteurs : lors de la visite du chancelier Scholz en 2022, Berlin a signé des accords pour sécuriser l’accès à des minéraux critiques canadiens comme le lithium ou le cobalt, nécessaires aux batteries (NATO Association of Canada, 2022).
Pour soutenir l’importation d’hydrogène vert, l’Allemagne a aussi mis en place H2Global, un mécanisme d’enchères qui garantit aux producteurs un prix d’achat stable (Ressources naturelles Canada, 2024). Grâce à ces initiatives, l’Allemagne joue un rôle de pivot technologique et financier, en soutenant la production d’énergie renouvelable au Canada tout en sécurisant sa propre transition énergétique. Le Canada, de son côté, gagne un partenaire fiable pour valoriser son potentiel éolien à l’export.

Les retombées économiques bilatérales
Le partenariat éolien et hydrogène entre le Canada et l’Allemagne engendre des retombées économiques majeures pour les deux pays. Au Canada, les projets lancés pour alimenter ce corridor mobilisent des investissements records. À Terre-Neuve-et-Labrador, quatre projets retenus en 2023 pourraient générer jusqu’à 206 milliards $ de retombées économiques, 11 700 emplois temporaires et 11,7 milliards $ de revenus publics (Ressources naturelles Canada,
2024). Le projet Nujio’qonik, mené par World Energy GH2, prévoit plus de 1 GW d’éolien, 400 000 tonnes d’ammoniac vert par an, et plus de 6 000 emplois (World Energy GH2, 2024).
En Nouvelle-Écosse, EverWind Fuels s’est allié au groupe allemand Uniper pour exporter de l’hydrogène vert depuis Point Tupper (Wei, 2022). Avec plus de 80 projets d’hydrogène annoncés, le Canada pourrait attirer plus de 100 milliards $ d’investissements (Natural Resources Canada, 2024), tout en stimulant l’emploi et les filières industrielles vertes locales.
En Allemagne, ces échanges renforcent la sécurité énergétique et offrent de nouveaux débouchés à son industrie verte. L’hydrogène canadien aidera à décarboner des secteurs difficiles comme la sidérurgie ou le transport lourd (Onsat, 2024), en réduisant la dépendance au gaz. Des entreprises comme Nordex ou Siemens Energy bénéficient directement de ces projets via la fourniture d’équipements et de services (ZVEI, 2025). Des ports allemands comme Hambourg se préparent à devenir des hubs d’importation d’ammoniac canadien (Renewable Energy Hamburg Clusteragentur GmbH, 2024). Ce partenariat soutient aussi la diplomatie économique allemande, avec des missions commerciales et des projets conjoints de
R&D sur le stockage ou les normes d’hydrogène (Canada–Germany Energy Partnership, 2021).
Ainsi, l’éolien et l’hydrogène ouvrent une coopération équilibrée, profitable au développement durable des deux économies.





Évolution historique de la coopération énergétique canado-allemande
Pour revenir sur l’évolution historique de la coopération énergétique entre le Canada et l’Allemagne, avec ces nouveaux partenariats, le lien entre les deux pays s’est fortement intensifié ces dernières années, mais s’inscrit dans une relation économique plus ancienne.
Jusqu’aux années 2010, les échanges directs d’énergie restaient limités, notamment en raison de la distance géographique. Le Canada exportait surtout vers les États-Unis, tandis que l’Allemagne s’approvisionnait auprès de fournisseurs européens. Malgré cela, les deux pays ont collaboré dans les instances internationales (G7, AIE) et partageaient des objectifs climatiques communs depuis les années 1990 (Protocoles de Kyoto, Accord de Paris). Un premier tournant a lieu en 2013, avec le projet Goldboro LNG (ou GNL) : un contrat de 20 ans signé entre Pieridae (Canada) et Uniper (Allemagne) pour exporter du gaz liquéfié depuis la
Nouvelle-Écosse. Ce projet, symbole d’un corridor énergétique fossile, sera finalement abandonné en 2021 à cause de contraintes financières et du virage vers les renouvelables (Baxter, 2020).
À partir de 2021, le partenariat énergétique se réoriente avec la signature d’un accord-cadre sur les technologies propres, axé sur l’hydrogène, les énergies renouvelables et les réseaux intelligents (Affaires mondiales Canada, 2023). L’Allemagne partage alors son expérience de sortie du charbon, et le Canada met en avant son potentiel éolien. La guerre en Ukraine en 2022 accélère cette dynamique. L’option du GNL est envisagée, mais rapidement écartée au profit d’une solution 100 % verte. En août 2022, l’Alliance Canada–Allemagne pour l’hydrogène est officiellement lancée à Stephenville avec un objectif clair : créer un corridor transatlantique d’hydrogène vert (Ressources naturelles Canada, 2022). C’est à la suite de cela que plusieurs accords industriels voient le jour, comme celui entre Uniper et EverWind Fuels, ou encore entre le Canada et les constructeurs allemands Volkswagen et Mercedes-Benz pour les minéraux critiques (NATO Association of Canada, 2022). En 2023–2024, la coopération se concrétise : des missions industrielles sont organisées, des feuilles de route publiées, et un protocole H2Global est signé à Hambourg pour sécuriser les exportations d’hydrogène canadien vers l’Allemagne via un mécanisme d’enchères (Ressources naturelles Canada, 2024). Le Canada soutient cette démarche avec des crédits d’impôt et près de 300 millions de dollars de prêts aux producteurs (Ressources naturelles Canada, 2024).

Défis et limites de la coopération éolienne et hydrogène
Malgré une dynamique positive, la coopération énergétique entre le Canada et l’Allemagne fait face à plusieurs défis logistique, économique, environnemental et technologique.
Premièrement, les infrastructures nécessaires pour transporter l’hydrogène (qui est converti en ammoniac) n’existent pas encore à l’échelle requise. La date cible de 2025 pour les premières exportations paraît ambitieuse, compte tenu des délais de construction et des conditions techniques à Terre-Neuve (Ressources naturelles Canada, 2024). Ces projets doivent aussi composer avec des contraintes environnementales, des consultations autochtones au Canada et un environnement nord-atlantique difficile.
Sur le plan économique, l’hydrogène vert reste coûteux comparé aux énergies fossiles. Il dépend pour l’instant de subventions comme H2Global, un mécanisme allemand destiné à sécuriser les prix d’achat (Ressources naturelles Canada, 2024). Cela pose la question de la viabilité à long terme : si les coûts de production ne baissent pas ou si le soutien public diminue, le corridor pourrait potentiellement perdre son attractivité. Le Canada devra aussi faire face à une concurrence croissante d’autres exportateurs, comme la Namibie, l’Australie ou les Émirats arabes unis. D’un point de vue environnemental, des projets d’éolien industriel soulèvent des inquiétudes locales : perturbation des écosystèmes, acceptabilité sociale, emprise sur les paysages. Des ONG comme Greenpeace appellent à éviter tout retour au GNL et à garantir un hydrogène 100 % renouvelable (Wei, 2022). C’est d’autant plus important que l’Union européenne n’accepte pas l’hydrogène « bleu » issu du gaz fossile, ce qui limite le Canada à une production verte strictement certifiée (Exner-Pirot et al., 2022). Ensuite, du point de vue technologique, la combinaison entre éolien et production d’hydrogène pose des défis d’intégration. Il faudra investir dans le stockage et la gestion intelligente des flux pour stabiliser les exportations.



Conclusion
En conclusion, l’énergie éolienne occupe une place centrale et stratégique dans les relations entre le Canada et l’Allemagne, symbolisant le tournant vers une coopération axée sur la transition énergétique et la sécurité climatique. Ce partenariat a vu le jour à la suite d’accords majeurs en partant du Partenariat énergétique signé en 2021 à l’Alliance sur l’hydrogène de
2022 et par des projets importants alliant l’expertise éolienne allemande aux capacités naturelles du vent et de l’espace Canadien. Les bénéfices attendus sont considérables pour les deux pays : développement industriel, création d’emplois qualifiés, réduction des émissions de gaz à effet de serre et renforcement des liens économiques bilatéraux. Cependant, la route vers un corridor d’hydrogène vert transatlantique pleinement opérationnel comprend avec elle des obstacles à franchir pour les deux pays. En effet, des incertitudes demeurent quant à la rentabilité à long terme, aux délais de réalisation et au respect des engagements environnementaux et sociaux. Il appartiendra aux gouvernements, aux industries et aux communautés des deux pays de travailler ensemble pour lever ces barrières en innovant, en investissant dans les infrastructures critiques et en maintenant le cap politique vers la décarbonation. Si ces défis sont relevés, la coopération Canada–Allemagne dans l’éolien pourrait bien servir de modèle de « diplomatie verte », démontrant qu’une transition énergétique est possible entre des partenaires partageant les mêmes valeurs. Cela permettrait de positionner le Canada comme fournisseur mondial d’énergie propre et durable, et aiderait l’Allemagne à réussir son « Energiewende » au bénéfice de la planète. Alors que débute une nouvelle étape dans les relations énergétiques entre le Canada et l’Allemagne, beaucoup reste à construire. Pourtant, les bases solides établies ces dernières années offrent de réelles raisons d’espérer une coopération éolienne durable et prometteuse.
